Une menace pour les nappes d'eau souterraines

Les systèmes d'approvisionnement et de traitement de l'eau vont être durablement perturbés par la nappe de benzène.
Yves Miserey Figaro 26 novembre 2005

La région d'Harbin avait été touchée en août 1998 par des inondations qui avaient fait plus de 2 000 morts. Cette catastrophe avait mis en lumière les carences en infrastructures de traitement de l'eau dans toute la zone. Selon l'OMS (Organisation mondiale de la santé), 700 millions de Chinois ne disposent pas d'une eau courante de bonne qualité. Mais avec l'explosion de l'usine Petrochina qui a occasionné le déversement d'environ une centaine de tonnes de benzène dans la rivière Songhua qui appartient au bassin versant du fleuve Amour, la Chine et la Russie sont confrontées à une situation très particulière.

Traitement prohibitif des eaux polluées au benzène

D'abord, la plupart des usines de traitement sont impuissantes à traiter des eaux abondamment polluées en benzène. Seuls des systèmes comme l'osmose inverse ou la filtration sur charbon peuvent le faire, mais à des prix prohibitifs pour un pays comme la Chine. En revanche, le benzène peut endommager les systèmes d'épuration des installations. La seule solution pour éviter ce risque consiste à fermer les vannes afin d'éviter que l'eau polluée pénètre dans l'usine. Mais cela suppose la mise en place d'un réseau d'alerte efficace et d'une circulation rapide de l'information. Or, les autorités chinoises ont attendu plusieurs jours avant de dévoiler l'accident, ce qui peut avoir occasionné des dégâts.

Pour les usines de production d'eau potable – celle d'Harbin s'alimente dans la nappe alluviale située sous la rivière Songhua –, la seule solution consiste à stopper les pompages, privant ainsi les populations d'eau courante. La mise à l'arrêt peut toutefois provoquer une contamination au cours de la remise en service. La Chine n'ayant pas encore installé de ressource alternative comme c'est le cas en France avec les systèmes d'interconnexion entre réseaux, les populations risquent de manquer d'eau pendant une longue période. Le système est en train de se mettre en place mais la Chine est encore en retard dans ce domaine.

Longue période de pollution

L'absence d'eau peut aussi avoir des conséquences fâcheuses. «Les pompiers pourraient se trouver sans moyen de lutte contre les incendies», note par exemple Michel Dutang, directeur des recherches chez Veolia.

La norme européenne en matière de benzène dans l'eau potable est fixée à à 1 microgramme par litre. Compte tenu des quantités relâchées dans la rivière bordant l'usine, les cours d'eau situés en aval de l'usine seront contaminés pour une longue période, même si le benzène est volatil. En effet, le climat est froid dans cette région et une partie de la nappe de benzène a été prise dans la couche de glace qui recouvre les rivières (le benzène étant moins dense que l'eau, il flotte à la surface comme de l'huile). Le produit chimique pourrait donc être relargué périodiquement.

Le benzène est une substance toxique aiguë et cancérigène. Son inhalation en grosse quantité peut provoquer la mort. Très volatil, il a, si l'on peut dire, l'avantage d'être non persistant. «Il est aussi beaucoup moins bioaccumulable que des substances comme le mercure ou le plomb», souligne Philippe Hubert, de l'Ineris. Les populations ne vont toutefois pas pouvoir consommer les poissons des rivières contaminées pendant une longue période. «C'est un accident gravissime», assure Michel Dutang.